Dans un univers, celui de la course automobile, où les vertus de la mémoire collective ont tendance à se dissiper aussi vite que les gerbes d’eau soulevées par les bolides, le déroulement de cette singulière édition des 24 Heures du Mans nous a rappelé deux choses essentielles :
- Avec le malheureux drame ayant coûté la vie au Danois Allan Simonsen, samedi sitôt après le départ donné, bien des gens ont (re)pris conscience que le sport automobile, malgré tous les progrès entrepris en matière de sécurité active (les voitures, les équipements, etc…) et passive (l’aménagement des circuits en général), restait une discipline où le risque zéro n’existe pas ; jamais ; et qu’il fait partie intégrante du « jeu ». Au Mans, il fallait remonter à 1997 – l’accident du jeune Français Sébastien Enjolras lors des préliminaires – et en 1986, en course – avec la disparition de l’Autrichien Joe Gartner – pour devoir enregistrer pareils drames. « Motorsport is dangerous » ont coutume d’afficher les Anglais aux abords de leurs circuits. Au Mans, ces deux dernières années, avec les crashs de McNish et de Rockenfeller (en 2011) puis de Davidson (2012), on avait déjà frôlé la catastrophe ; mais « Dame chance » ou le « Miracle » si vous préférez, avaient œuvré. Samedi, il ne s’est pas produit et au delà de la douleur de la famille du pilote danois, il est peut-être opportun de se demander si un tracé comme celui de la Sarthe continue de répondre aux critères édictés par la FIA, avec ses quatorze kilomètres de développement et de nombreux passages désormais « limites », dans tous les cas particulièrement exposés. Autre réflexion : avec un nombre élevé (trop) de novices - 41 sur 168 pilotes au départ l’étaient - n’a t’on pas atteint un degré de mélange trop important des genres…
- Autre rappel dans les mémoires de chacun : une épreuve comme les 24 Heures n’est jamais gagnée d’avance et Audi en a (re)pris conscience samedi soir lorsque les ennuis successifs de la no 3 (Jarvis) et surtout de la no 1, celle de Marcel FAESSLER, bien partie pour la gloire mais bloquée à son stand pour un ennui majeur (une panne d’alternateur qui sema une zizanie électronique en obligeant de remonter jusqu’à la boîte de vitesses) ont fait trembler son édifice et chamboulé ses plans de bataille. Toyota, que l’on savait en déficit de performance à raison d’environ 2,5 secondes au tour et voué – dès les premières salves de ravitaillement qui confirmèrent ses limites de jouer la gagne à la régulière – à tenir un rôle d’outsider, n’en demandait pas tant. Et surtout prouva par la suite (on les avait peut-être enterrée un peu trop vite) une fiabilité enfin démontrée en plaçant ses deux bolides à l’arrivée. En parlant de fiabilité, celle-ci (ou plutôt son manque de…) s’acharna sur la voiture de Marcel Fässler puisqu’après être repartie le couteau entre les dents pour un vain baroud d’honneur, elle connut encore des ennuis d’essuie-glace ! A noter qu’après quatre abandons de rang, Marcel Fässler rejoint pour la quatrième fois l’arrivée après 2010 (2ème) 2011 et 2012 (1er) et cette année (5ème) ! Enfin, pour Tom Kristensen, bardé désormais d’une neuvième couronne – il devient avec Michael Schumacher et Sébastien Loeb la star absolue du sport automobile de ce début du siècle – le moment de la retraite peut par contre sonner sans acrimonie…
- Dans le domaine des records et de la mémoire toujours, il faut bien admettre qu’il fallait remonter loin dans le temps pour se souvenir de conditions climatiques aussi dantesques que celles rencontrées cette année dans la Sarthe. Conditions qui avec une bruine transformant la piste en un terrain ultra piègeux, rendirent la tâche des pilotes très compliquée voire dangereuse. Quant aux sorties des « safety car » bridées à 120 km/h (!), elles battirent aussi des records, totalisant des neutralisations sur plus de cinq heures.
Bravo Pilet !
Porsche a réussi son come-back officiel dans la Sarthe en signant le doublé dans la catégorie LMGTE Pro, avec Romain Dumas vainqueur et Patrick PILET (double national, suisse et français) deuxième à seulement 2’10’’ au volant de leur 997 RSR. Sans un ennui technique survenu vers la fin, Pilet pouvait peut-être l’emporter. Une nouvelle preuve que quand Porsche entreprend quelque chose, c’est du solide et ça se voit…
La fête à Aigle… et à Marly !
Si Georges Gachnang, le grand-père de Natacha GACHNANG et de Sébastien BUEMI n’eut pas le plaisir de piloter sa Cooper Monaco lors de la course « légendes » en ouverture des 24 Heures suite à un problème de moteur, Natacha et « Seb » ont conclu un week-end de rêve pour la famille ! Malgré un passage difficile durant la nuit (malade, elle faillit renoncer), Natacha a superbement contribué au sensationnel résultat décroché par le « Morand Racing » de Benoît Morand et de Joe Genoud basé à Marly aux portes de Fribourg. Douzième au final (avec Natacha au volant au baisser du drapeau en damiers) et 6ème en LMP2, le contrat de cette petite mais vaillante organisation est rempli au-delà des espérances. Et déclenche le respect.
Saluée sur la grille de départ par Madame la Ministre des Sports du gouvernement de François Hollande, Natacha signe là le meilleur résultat d’une femme au Mans depuis Vanina Ickx (7ème en 2011) ! Quant à Sébastien Buemi, auteur à nouveau de relais d’enfer, il inscrit une très belle ligne à son palmarès, en ayant réalisé le maximum de ce qu’il pouvait attendre avec son matériel. L’émotion a du être à son zénith, dimanche soir à Aigle, Natacha et Sébastien ne s’étant pas retrouvé à pareille fête, ensemble, depuis leur « cohabitation » en F3…
Neel Jani : la consécration…
Il y a une vie après la F1 (refrain connu) : Neel JANI est en train de le prouver une fois de plus, lui qui après une saison de « pilote du vendredi » chez Toro Rosso (en… 2006) se voit confier un des volants officiels de la future Porsche LMP1 qui sera engagée 2014 dans le championnat WEC. Une nouvelle confirmée ce jour mais qui était dans l’air depuis des mois (lire notre site en date du 23 décembre 2012 et samedi écoulé encore) et qui rappelle de manière enfin reconnue que le talent du bonhomme (non seulement comme compétiteur mais aussi comme metteur au point) est hors norme.
On est déjà en train de se projeter sur la prochaine édition des 24 Heures du Mans et se dire qu’avec Fässler (Audi), Buemi et LAPIERRE (Toyota) et Jani (Porsche) – si rien ne bouge d’ici là dans les intentions de ces constructeurs – la belle série des pilotes suisses grimpant sur le podium pourrait bien avoir une suite agréable…
Pour en revenir à Rebellion (dont les deux exemplaires reprirent la piste après leurs ennuis juste pour terminer la course et être classés loin mais classés tout de même) l’employeur actuel de Jani qui terminera d’ailleurs la saison avec lui tout en menant de front le développement de la Porsche, précisons que suite à sa violente sortie
de route au petit matin, Andrea Belicchi (coéquipier de Mathias BECHE, auteur lui aussi de bons relais) souffre d’une fracture à une
côte.
A la TV…
Bravo à Eurosport d’avoir fait vivre cette édition avec autant de passion et d’images spectaculaires en direct, en intégralité mais carton rouge à notre TV nationale pour les… trente secondes et quelques généreusement accordées à ces 24 Heures dans son émission des Sports du dimanche soir, dont quelques-unes (bien évidemment) dédiées à l’accident de Simonsen. On pressentait cette « issue », connaissant la passion dévorante qui anime les responsables de notre chaîne à l’égard des sports mécaniques ; mais là, ce côté méprisant et détenteur de droits dont ils abusent commence à bien faire…
Et ce sera tout pour ces informations sur notre site en direct de l’édition 2013 des 24 Heures du Mans.
Photo: Le podium des 24 Heures du Mans 2013, © Audi Motorsport